La Cour d’appel de Versailles a donné raison au groupe SeLoger dans le litige qui l’oppose à Jinka concernant l’extraction et la réutilisation d’annonces immobilières. Une décision qui marque un tournant judiciaire pour l’usage des données publiques dans l’IA appliquée à l’immobilier, et qui suscite des réactions contrastées de part et d’autre.
Une décision judiciaire défavorable à Jinka
Mardi 16 décembre 2025, la Cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement rendu en première instance et estimé que l’activité de Jinka contrevenait au cadre légal actuel. La juridiction a reconnu l’existence d’extractions et de réutilisations non autorisées d’annonces issues des plateformes du groupe Digital Classifieds France (DCF), éditeur notamment de SeLoger, Logic-Immo et Belles Demeures.
La Cour a ordonné la cessation immédiate de ces extractions, la suppression de l’ensemble des annonces et données concernées de l’application et du site de Jinka, ainsi que le versement de 60 000 euros de dommages et intérêts à DCF. La publication de la décision judiciaire en ligne a également été exigée afin d’en informer les utilisateurs.
SeLoger invoque la protection des données et des utilisateurs
Du côté de SeLoger, la décision est présentée comme une confirmation du cadre juridique protégeant les bases de données et les contenus déposés par les professionnels de l’immobilier. Baptiste Capron, Directeur Général de SeLoger, déclare :
« Cette décision protège non seulement nos plateformes et les contenus déposés par les agents immobiliers, mais aussi la confiance de nos utilisateurs. Le respect du droit et l’usage loyal des données sont indispensables pour garantir un marché immobilier numérique sain. Nous continuerons à défendre fermement nos marques et bases de données, ainsi que l’intégrité des annonces publiées par nos clients sur nos sites et applications. »
Jinka dénonce un cadre juridique inadapté à l’IA
Fondée en 2020, Jinka s’appuie sur une intelligence artificielle destinée à référencer et qualifier en temps réel les annonces immobilières publiques disponibles sur internet. Si le modèle avait été validé en première instance, la société estime que le revirement de la Cour d’appel illustre un décalage entre le droit existant et les usages technologiques actuels.
Marc Lebel, Président et Fondateur de Jinka, explique :
« La réalité du terrain prouve pourtant que nous sommes loin d’être des concurrents déloyaux : nos utilisateurs sont aussi des usagers des autres portails. La recherche immobilière étant un vrai casse-tête, ils installent notre application en complément des acteurs historiques, pour gagner en efficacité. »
Un débat plus large sur la souveraineté technologique
Pour Jinka, cette décision dépasse le seul cadre de son activité et pose la question de l’innovation et de la souveraineté technologique française. Marc Lebel appelle ainsi à une prise de conscience politique :
« Cet arrêt est l’illustration parfaite du décalage entre le droit de 1996 et la réalité technologique de 2025. Il est évident que nous pouvons parfaitement fonctionner sans les annonces spécifiques à Seloger, qui ne représente qu’une fraction minoritaire des annonces que nous indexons, à peine 10%. Cette entrave ne freinera pas l’essor de Jinka. Cependant, l’impact sera plus net sur la cybersécurité car en réduisant le nombre d’annonces filtrées par notre IA, cette dernière sera moins bien entraînée et risque de laisser passer davantage d’arnaques. »
Il ajoute enfin :
« Cette jurisprudence entérine une injustice économique : elle entrave les pépites françaises au nom d’une loi périmée, tout en laissant le champ libre aux GAFAM américains qui, eux, sont exempts de ces règles. Si la loi n’évolue pas vite, la France devra renoncer de facto à sa souveraineté technologique. »




