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Exclusif : procès SeLoger /Jinka : Marc Lebel s’exprime – « Si vous êtes attaqués, c’est que vous créez de la valeur »

Par Hadrien Le Roux

mer 17 décembre 2025

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Condamné en appel sur le fondement du droit européen des bases de données, Jinka devra désindexer les annonces de SeLoger. Pour son fondateur Marc Lebel, cette décision dépasse son seul cas : elle pose une question centrale sur l’innovation, la donnée et la souveraineté numérique à l’heure de l’IA.

Après une victoire en première instance, Jinka a été condamné en appel face à SeLoger sur le fondement du droit sui generis des bases de données. Une décision qui contraint l’agrégateur immobilier à désindexer certaines annonces. Pour Marc Lebel, fondateur de Jinka, l’enjeu dépasse largement le contentieux : il interroge la capacité des acteurs européens à innover face aux géants du numérique, à l’heure où la donnée est au cœur des technologies d’intelligence artificielle.

Entretien exclusif avec Immobil-IA.

Pour commencer, pouvez-vous revenir sur l’origine de ce différend avec les portails immobiliers ?

Marc Lebel – Ce conflit remonte à plusieurs années. Le premier épisode a concerné Seloger, à une époque où son président nous avait directement contactés. Les choses sont rapidement devenues très violentes, jusqu’à une perquisition à mon domicile.Le procès en première instance a eu lieu fin 2022, avec une décision rendue en 2023 en notre faveur. SeLoger n’avait alors pas obtenu la reconnaissance du statut de producteur de base de données. Mais le groupe a fait appel.

Concernant leboncoin, le contentieux s’inscrit dans la continuité.

Quel est précisément le fondement juridique sur lequel SeLoger vous a attaqués ?

M. L. – SeLoger a invoqué le droit sui generis des bases de données, issu d’une directive européenne vieille de près de trente ans. Ce droit vise à protéger l’investissement économique réalisé pour constituer une base de données, afin d’empêcher un tiers de la réutiliser à des fins commerciales.
À l’origine, cette protection avait du sens : constituer une base de données était coûteux, techniquement complexe, et nécessitait des infrastructures lourdes. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.

Pourquoi estimez-vous que ce droit est mal appliqué dans votre cas ?

M. L. – Notre position a toujours été claire : les investissements réalisés par les portails ne portent pas sur la constitution de la donnée elle-même, mais sur la création d’audience, le marketing, la notoriété de marque.
Ils ne produisent pas la donnée au sens juridique strict : ils ne vont pas collecter eux-mêmes l’information sur le terrain, comme le ferait un acteur qui cartographie les fonds marins, par exemple. Ils centralisent des annonces déposées par des agences.
Toute la question juridique est là : à quoi rattache-t-on l’investissement ? À la base de données ou à l’audience ? En première instance, le juge nous avait donné raison. En appel, la cour s’est appuyée sur une jurisprudence antérieure, notamment une affaire impliquant leboncoin.

Sur quels points avez-vous été déboutés… et sur lesquels avez-vous gagné ?

M. L. – SeLoger nous attaquait également pour concurrence déloyale et parasitisme. Sur ces deux points, ils ont été totalement déboutés, en première comme en deuxième instance.
La condamnation porte uniquement sur le droit des bases de données. Concrètement, cela signifie que nous devons désindexer les annonces de SeLoger.

Est-ce que vous considérez que votre activité pourrait être comparable aux moteurs de recherche ?

M. L. – Exactement. Nous avons toujours revendiqué un rôle de comparateur immobilier, au service de la transparence du marché. Nous indexons des annonces pour offrir la meilleure vision possible aux utilisateurs, supprimer les doublons, détecter les arnaques, qualifier la donnée.
Ce que nous faisons est fondamentalement proche de ce que font Google, Microsoft ou OpenAI. La question est donc simple : pourquoi des acteurs américains ont-ils librement accès à ces données, via le référencement naturel, quand un acteur français, européen, en serait exclu ?

Est-ce un enjeu de souveraineté numérique ?

M. L. – Oui, clairement. Aujourd’hui, Google a accès à l’intégralité des annonces de SeLoger et leboncoin, parce que ces contenus sont ouverts à l’indexation. Si demain Google décide d’entrer plus frontalement sur le marché immobilier français, il disposera d’un avantage concurrentiel massif : plus de données, plus d’argent, plus de puissance algorithmique.
Nous, acteurs européens innovants, serions bloqués par une loi européenne censée nous protéger. C’est un paradoxe total.

Cette décision est-elle, selon vous, incompatible avec l’essor de l’IA ?

M. L. – Complètement. À l’heure de l’intelligence artificielle, la donnée est le carburant de l’innovation. Or on applique un texte conçu il y a trente ans à des technologies qui n’existaient pas.
La vraie question juridique devrait être : empêche-t-on aujourd’hui l’innovation au détriment du consommateur ? Chez Jinka, s’il n’y avait pas de mauvaise qualité de donnée, pas de doublons, pas d’arnaques, nous n’existerions pas. La valeur que nous créons est précisément là.

Que répondrez-vous à ceux qui estiment que Jinka « profite » du travail des portails ?

M. L. – C’est factuellement faux. Nous renvoyons le trafic vers les portails, vers les agences, vers l’ensemble de l’écosystème. Nous n’avons jamais cherché à évincer qui que ce soit.
D’ailleurs, certains portails nous rémunèrent pour augmenter leur trafic. Les petits acteurs nous adorent, car nous leur donnons de la visibilité. Les leaders, eux, ont peur parce que toute innovation remet en question une position dominante.

Comment Jinka évolue-t-il aujourd’hui, malgré ce contexte judiciaire ?

M. L. – Nous avons anticipé. Depuis plusieurs mois, nous indexons directement les annonces à la source : réseaux de mandataires, agences, partenaires logiciels. Nous sommes partenaires avec iad, Efficity, des agences appartenant à de grandes groupes immobiliers et très présents sur le marché du luxe.
Grâce à l’IA, nous automatisons désormais l’indexation : là où il fallait auparavant écrire des scripts manuels, une intelligence artificielle apprend aujourd’hui à comprendre la structure d’un site. C’est un changement radical, et aussi une opportunité internationale.

Quelle est, au fond, la vision de Jinka ?

M. L. – Nous voulons être un coach immobilier pour les acquéreurs et les locataires. Pas seulement un moteur d’annonces.
Nous éduquons les utilisateurs, les alertons sur les arnaques, les aidons à comprendre le marché, à affiner leurs critères. Nous travaillons même avec des acteurs publics pour sécuriser les dossiers.
Notre ambition est simple : apporter plus de valeur, plus de transparence et une meilleure expérience utilisateur. Jinka est un acteur en plus, jamais un acteur en moins.

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