Rédaction d’annonces, coaching commercial, exploitation documentaire, alertes personnalisées… L’intelligence artificielle est sortie du gadget. Elle s’impose désormais comme un assistant du quotidien pour les agents et mandataires immobiliers. Décryptage des cas d’usage et des bonnes pratiques partagés lors de la conférence Immobil-IA, avec iad, Mister IA, Orisha Real Estate et Jinka.
De la découverte à l’usage quotidien : l’IA change d’échelle
« Nous sommes clairement passés d’un mode exploratoire à un mode opérationnel », observe d’emblée Olivier Descamps, directeur général d’iad.
Dans un réseau de plus de 18 000 entrepreneurs en Europe, dont 15 000 en France, l’IA n’est plus perçue comme une curiosité technologique, mais comme un véritable compagnon de travail : rédaction d’annonces, préparation de rendez-vous, structuration de pitchs commerciaux ou encore aide à la prospection.
« Ce qui était un outil que l’on testait est devenu un réflexe. L’IA s’installe durablement comme un assistant personnel de l’agent immobilier », résume Olivier Descamps.
Former sans brusquer : la prudence stratégique des réseaux
Chez iad, l’adoption de l’IA s’accompagne d’une gouvernance structurée. Le réseau a opté pour une montée en puissance progressive, articulée autour de trois piliers : l’outil, l’expérience utilisateur (collaborateurs, entrepreneurs, clients) et la marque.
Un club de 450 entrepreneurs volontaires teste actuellement les solutions d’IA avant un déploiement plus large. Cette logique de montée en compétence maîtrisée est complétée par des formations terrain menées avec des partenaires spécialisés. « Nous avons d’ailleurs présenté une application iad, qui sera à disposition de l’ensemble des conseillers », précise Olivier Descamps. Par ailleurs, plus de 2 000 iadiens ont déjà été formés à ces nouveaux usages.
ChatGPT, l’outil le plus utilisé par les agents
Pour Vincent Pavanello, cofondateur de Mister IA, le constat est sans appel : « L’outil le plus utilisé par les agents immobiliers aujourd’hui, de très loin, c’est ChatGPT. Son adoption est sans précédent dans l’histoire des technologies. Nous sommes passés de 300 millions d’utilisateurs hebdomadaires en début d’année à 900 millions en cette fin d’année. »
Mais au-delà de l’outil, ce sont les usages qui créent la valeur. Rédaction d’annonces et de comptes rendus de visite, animation des réseaux sociaux, relance d’acquéreurs, analyse comparative de biens, préparation d’arguments face aux objections clients ou encore études de marché localisées : l’IA devient un véritable couteau suisse. « C’est à la fois un assistant rédactionnel, un coach commercial et un analyste de marché. Pour un indépendant, c’est comme avoir une dream team dans sa poche », résume Vincent Pavanello.
La donnée, nouvel avantage concurrentiel de l’agent immobilier
Chez Jinka, l’IA est au cœur du modèle depuis plusieurs années. Marc Lebel, fondateur de la plateforme, insiste sur un point clé : « L’avantage concurrentiel de l’humain face à l’IA, c’est la donnée. La donnée de qualité, collectée sur le terrain. »
Grâce à ses propres modèles d’IA spécialisés dans l’immobilier, Jinka analyse et qualifie des centaines de milliers d’annonces afin de mieux comprendre les besoins réels des utilisateurs. Mais la véritable rupture, selon lui, réside dans la personnalisation. « Proposer la même annonce à un étudiant, à une famille ou à un investisseur n’a plus de sens. L’IA permet d’adapter le message, l’ordre des photos, le contenu et même le format à chaque profil. »
Des logiciels métiers transformés de l’intérieur
Côté éditeurs, l’IA n’est plus un simple module périphérique. Chez Orisha Real Estate, elle est désormais intégrée nativement aux logiciels métiers, comme l’explique Sylvia Versiglia, directrice juridique. « Nous allons bien au-delà de la rédaction automatisée ou de la retouche d’images. Nous déployons de véritables assistants virtuels capables d’exploiter des masses documentaires complexes. »
Règlements de copropriété anciens, documents scannés, archives juridiques : l’IA devient un outil de lecture intelligente, capable d’extraire instantanément l’information utile pour la gestion quotidienne.
IA et portails immobiliers : confrontation ou recomposition ?
La question des portails immobiliers s’est rapidement invitée dans le débat. Recherche conversationnelle, alertes intelligentes, assistants d’achat… l’IA va-t-elle rebattre les cartes ? Pour Marc Lebel, la réponse est nuancée :
« La recherche immobilière est un processus long, émotionnel, itératif. Les plateformes resteront des outils d’accompagnement, plus que de simples moteurs de recherche. »
Tous les intervenants s’accordent sur un point : l’IA ne supprimera pas l’intermédiation humaine, mais elle redéfinit la chaîne de valeur, notamment autour de l’alerting, de la personnalisation et de la relation client dans la durée.
Une IA “invisible” au service de l’autonomie des conseillers
Pour Olivier Descamps, l’enjeu n’est pas de faire de l’IA une vitrine technologique, mais un levier d’émancipation discret pour les entrepreneurs du réseau. Chez iad, l’IA est pensée comme un assistant intelligent, parfois invisible, qui s’intègre naturellement dans le quotidien : rédaction d’annonces, déjà partiellement automatisée depuis plusieurs années , préparation de rendez-vous ou encore entraînement face à des typologies de clients ou de biens inédites. « L’objectif, c’est que nos conseillers aient plus de temps pour leurs clients, leurs apporteurs d’affaires et leurs équipes. » Cette approche pragmatique s’accompagne d’une vigilance assumée : « L’IA est aussi un gros consommateur de ressources. Nous regardons attentivement les impacts environnementaux et privilégions des solutions durables. » D’où une stratégie prudente, loin de la course au dernier outil à la mode : « La solution du lundi peut être dépassée le mercredi. Notre priorité, c’est l’utilité réelle, intégrée et responsable. »
Responsabilité, contrôle et vigilance juridique
Si l’enthousiasme est réel, les risques ne sont pas occultés.
Pour Sylvia Versiglia, la règle est claire : « L’IA est un assistant. Comme tout assistant, son travail doit être contrôlé. La responsabilité finale reste humaine. Il faut savoir contrôler le travail effectué par les assistants IA. »
Évaluation de biens, rédaction d’actes, analyse juridique : l’IA accélère et sécurise, mais ne décide pas. Un principe fondamental dans un secteur fortement réglementé.
L’IA, une chance historique pour les indépendants
En filigrane des échanges, une conviction forte se dessine : l’IA agit comme un puissant rééquilibrage des forces.
Pour les mandataires, les petites agences ou les entrepreneurs isolés, elle donne accès à des compétences jusqu’ici réservées aux grandes structures. « Graphiste, juriste, responsable marketing, assistant commercial… Tout cela devient accessible. C’est une revanche des petits sur les gros », résume Vincent Pavanello.
Conclusion : l’humain reste au cœur, mais augmenté
Loin des fantasmes de remplacement, le webinaire dessine une trajectoire claire : l’agent immobilier de demain sera augmenté, pas remplacé. L’IA libère du temps, renforce la pertinence et améliore la qualité du service, à condition d’être maîtrisée, encadrée et comprise. Comme le résume Olivier Descamps : « Celui qui n’utilisera pas l’IA ne sera pas remplacé par l’IA. Il sera remplacé par un professionnel qui l’utilise mieux que lui. »
